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Le saumon de la panique

Posted by Edouard Sicot in Reportage on octobre 11, 2022

Quand on en perd ses mots...

Quelle chance d’avoir été envoyé en reportage par le magazine Elle sur l’île An t’eileen Sgitheanach, plus connue sous le nom de l’île de Skye, l’île écossaise la plus vaste et la plus au nord de l’archipel des Hébrides.

Une chance qui m’a donné l’envie d’y retourner, car comme pour de nombreux lieux de rêves que j’ai pu approcher, il s’agissait avant tout de consacrer l’essentiel de mon temps à la réalisation de photographies, et non d’y faire du tourisme. L’hôtel, un château, était bien évidemment hanté : Sylvie la styliste culinaire et Silvina mon assistante, ne manquaient pas de me raconter lors de nos petits déjeuners, les étranges bruits qu’elles avaient entendus dans la nuit pendant que je dormais d’un profond sommeil…

Truite saumonnée farcie au four. Photo d'Edouard Sicot, photographe lifestyle.
Truite saumonée farcie, photographiée pour Elle à Table.

Il est beau mon saumon

Il s’agissait donc de faire un reportage sur le saumon sauvage ainsi que sur le saumon d’Ecosse qui bénéficie du Label Rouge. Soit dit en passant, ce saumon n’a rien à voir en goût avec les saumons issus de fermes d’élevage. A titre de comparaison, ces derniers pourraient être qualifiés de « poulet de la mer « , vu les conditions inhumaines dans lesquels certains poulets sont élevés. Une des recettes devait représenter un saumon entier enroulé de jambon cru.

J’avais donc décidé de le photographier avant que celui-ci ne passe au four pour qu’il paraisse le plus frais possible. Une astuce assez photogénique consiste à photographier un même plat, avant et après cuisson. Le directeur artistique et moi, avions ainsi le choix de la meilleure version, ou bien même l’option de publier les deux. 

La rivière sauvage

J’ai toujours tendance à préférer « l’avant ». Le poisson, bien que mort, évidemment, semble alors encore vivant, lorsqu’il n’est pas cuit. L’œil et les écailles encore bien brillants, sont un gage de fraîcheur et cela se voit ! Je n’allais tout de même pas réaliser toutes les photos de plats à l’intérieur de l’hôtel. Un repérage dans les environs, m’avait permis de jeter mon dévolu sur une jolie petite rivière bien mouvementée. J’ai surpris bien des chefs, dans mon désir de sortir des sentiers battus !

Imaginez le tableau : l’appareil monté sur le trépied, l’objectif pointé vers le bas ( un « top shot » ou « vue d’avion » dans le jargon du métier ) en plein milieu de la rivière, bien entendu. Sylvie et Silvina sur la rive, et moi, l’œil dans le viseur, sur la pointe des pieds manquant de me retrouver dans l’eau à tout instant à cause de roches glissantes. Silvina, outre le fait qu’elle rechargeait les dos 6/7 du Mamiya RZ, mesurait donc régulièrement la lumière à l’aide de mon flashmètre Minolta.

Travailler en lumière du jour

Peu de photographes, à part ceux qui combinent plusieurs sources de lumières en studio, utilisent aujourd’hui un flashmètre, instrument incontournable, du temps de l’argentique. Celui-ci est un posemètre perfectionné qui en plus de mesurer la luminosité d’une scène, permet de déterminer l’ouverture du diaphragme en fonction de l’éclairage produit par l’éclair d’un flash électronique.

Qui peut le plus peut le moins, et la fonction posemètre est celle que nous utilisions. Dans un autre post, je vous expliquerai pourquoi je préfère, autant que possible, travailler en lumière du jour, uniquement. Mais revenons à notre saumon ! Silvina, me donnait donc régulièrement la valeur du diaphragme, au 10 ème près, au fur et à mesure de la variation de l’intensité lumineuse.

Et là, c’est le drame

J’ajustai donc l’ouverture du diaphragme en fonction de ses indications. Lorsque soudain, la luminosité baissa de la valeur d’un diaphragme, un gros nuage passant par là. Aussitôt, d’une voix assez forte pour couvrir le bruit des remous de la rivière, toujours selon le jargon du métier, elle me cria : « On a perdu un diaph’ ! On a perdu un diaph’ ! » Sylvie, dans la foulée : « Où ça ? Où ça, vous l’avez perdu où ? Ça ressemble à quoi ? », scrutant le fond de la rivière passablement obscurcie par l’ombre du nuage.

Fou rire de Silvina et moi ! Perdre un diaphragme signifie en réalité, disposer de deux fois moins de lumière… Nous formions décidément un joli trio.

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